L'établissement historique de Chicoutimi en 1676

L'occupation historique du territoire de Chicoutimi débute le 24 juin 1676. Motivés par le commerce des fourrures ainsi que par un objectif d’évangélisation, un poste de traite et une mission jésuite s’établissent en ce lieu déjà ponctuellement occupé depuis près de cinq mille ans par les Premières Nations d'alors.

La situation géographique du site, à la rencontre des rivières Chicoutimi et Saguenay, est un élément essentiel à la compréhension de cet établissement historique. En effet, l’endroit se veut déjà une halte millénaire pour les Premières Nations. Ces derniers, qui à travers une série de portages sur tout le cours de la rivière Chicoutimi, cherchent à atteindre les basses terres du lac Saint-Jean ou à en sortir, pour atteindre la région de la rivière Saguenay. Conséquemment, l’installation à cet endroit précis rend incontournable la rencontre entre les nouveaux occupants et les Premières Nations.

Au-delà de l'établissement d’un poste de traite et d’une mission jésuite, il est question de l’occupation historique permanente du territoire de Chicoutimi et du bassin hydrographique de la rivière Saguenay. Occupation qui se traduit par l’érection de divers bâtiments qui vont bien au-delà d’un simple comptoir d’échange. Ainsi, une chapelle, une petite sacristie, un cimetière et un bâtiment servant de maison et de magasin pour le commis sont construits. En plus de ces installations physiques, du bétail et des semences pour la culture des pois et du maïs sont amenés sur les lieux.

Au fil des années et des décennies qui suivent, de nombreux nouveaux bâtiments s’érigent, tels qu’un presbytère, de nouvelles chapelles et de nouvelles maisons pour le commis, un four à pain, un arsenal et une étable. Les bâtiments concentrés sur le site témoignent de manière non équivoque, de la volonté d'occuper les lieux de Chicoutimi de manière permanente.

Malgré des hauts et des bas du point de vue commercial, le poste de Chicoutimi est considéré, en 1748, comme le plus important poste de traite du Domaine du Roy. Plusieurs autres postes de l’intérieur des terres (Lac-Saint-Jean, Nicabau et Grands et Petits Mistassins) dépendent de Chicoutimi pour leur approvisionnement en vivres et en matériaux.

En raison de la concurrence et de la baisse de demande pour les fourrures, le poste de Chicoutimi, commence à perdre de l’importance dès 1808. Cependant, ce dernier demeure le principal lieu de débarquement et de transit des marchandises destinées aux postes de l’intérieur. C’est dans ce contexte que l'exploitation des ressources naturelles s'oriente progressivement vers l’exploitation des ressources forestières puis agricoles. Dès le milieu du 19° siècle, tous les terrains bordant la rivière Saguenay, entre Chicoutimi et le Lac-Saint-Jean, sont concédés. L'exploitation forestière devient le principal moteur économique de la région qui voit naître du même coup, de nombreux nouveaux villages sur l’ensemble du territoire.

À Chicoutimi, c’est en 1843-44 que William Price et Peter McLeod érigent un moulin à scie à l'embouchure de la rivière du Moulin. Quelques années plus tard, un second moulin prendra place, à l'embouchure de la rivière Chicoutimi, à proximité du poste de traite. La mise en œuvre de ces moulins mène à une expansion de l’occupation du territoire de Chicoutimi, concrétisée, entre autres, par l'érection d’un petit village autour des installations de la rivière du Moulin. À l’embouchure de la rivière Chicoutimi, plusieurs autres installations sont également construites : une scierie, un quai, un nouveau magasin à trois étages et les fondations d’un moulin à farine. S'y ajoutent des terrains en culture, une écluse et de grandes dalles conduisant l’eau au à la scierie. Dès 1851, le duo PriceMcleod emploie cent vingt travailleurs demeurant pour la plupart près des installations nouvellement érigées. Cela constitue un nouveau et important noyau villageois dans ce qui convient aujourd’hui de nommer le quartier du Bassin. En 1851, le canton Saguenay accueille 1 200 personnes.

À travers cette diversification des moteurs économiques, le poste de traite de Chicoutimi réussit néanmoins à rester en activité jusqu’à sa fermeture officielle en 1876. L'industrie du bois et de sa transformation prend le relais de la traite de fourrure et s’inscrit comme le nouveau moteur de développement socioéconomique de Chicoutimi, transformant ainsi le site du poste de traite en territoire villageois.

De la Price Brother and Company à la Compagnie de Pulpe de Chicoutimi fondée en 1896, la vocation industrielle des lieux mène à une augmentation appréciable de la population. Plusieurs maisons d'ouvriers sont construites à proximité et le noyau villageois se développe graduellement entre les rivières Chicoutimi et du Moulin. Pour supporter cette croissance démographique, de nombreux bâtiments de services et autres institutions sont érigés, notamment le Séminaire de Chicoutimi (1875), la première cathédrale de Chicoutimi (1878), l’hôpital de la Marine (1882/1883), l’église Sacré-Cœur (1903) et l’école Saint-François-Xavier (1924).

Il convient d'affirmer que l'occupation historique du territoire de Chicoutimi et éventuellement des territoires qui lui sont limitrophes remonte à la fondation du poste de traite et à l’établissement de la mission jésuite à l'embouchure de la rivière Chicoutimi à l'été 1676. Tout comme la ville de Québec en 1608 ou tout comme celle de Trois-Rivières en 1634; c’est précisément par l’établissement du poste de traite de Chicoutimi, le 24 juin 1676, que la ville de Chicoutimi, devenue un arrondissement de l’actuelle ville de Saguenay en 2002, doit préciser sa fondation historique.

  • Bibliographie

    Beaulieu, Carl (2001). Les Maltais chevaliers de l'entreprenariat. Chicoutimi. Les éditions Val-Jalbert.

    Bouchard, Russel (1997). Histoire de Jonquière : cœur industriel du Saguenay-Lac-Saint-Jean Des origines à 1997. Chicoutimi: Russel Bouchard.

    Tremblay, Victor (1968). L'histoire du Saguenay depuis les origines jusqu'à 1870. Chicoutimi: La librairie Régionale Inc.

Crédit photo : Société historique du Saguenay, P002, S08, D02, P37C